EXPLORATION DU CENOTE MELMAK
Le cenote Melmak est sans aucun doute un des endroits les plus étranges qu’il nous ait été donné d’explorer. La cavité présente de grandes variations de profondeur, des chambres sépia saturées en hydrogène sulfuré (H2S) mais aussi des passages d’eau salée plus profonds et plus clairs. Cependant, l’aspect le plus étrange de ce cenote est sans aucun doute son entrée atypique.
L’accès au cenote Melmak est en fait une station de pompage d’eau douce désaffectée, à la lisière d’une zone de marécages et de mangroves. Un vieux pêcheur du coin nous avait parlé de ce point de captage. Après avoir fouillé la zone pour un moment, un morceau de canalisation rouillée finit par nous montrer un sentier partiellement recouvert de végétation, qui nous mena à son tour à notre objectif. Un bâtiment abandonné, une échelle rouillée qui descend dans un trou sombre, pour finalement atteindre un plan d’eau turbide et malodorante où flottent des excréments de chauve-souris …Melmak fut jadis un cenote naturel, finalement recouvert pour la construction de la station. L’ambiance post-apocalyptique de ce site désormais abandonné aux chauves-souris et aux racines de ficus le rend absolument unique.
Vince traverse la première grande chambre de Melmak. L’eau douce est saturée de H2S, donnant à l’eau sa teinte jaune.
PREMIER JOUR D’EXPLORATION
L’accès au site est restreint, et même en ayant obtenu toutes les autorisations en bonne et due forme, nous devions impérativement être sortis de l’eau avant 12h00, et sortis du terrain avant 13h00. Pas de temps à perdre, à 5h00 la voiture est chargée, les yeux collent un peu, mais on n’a rien sans rien. I fait encore nuit lorsque nous arrivons prêt du site, et comme il nous est interdit d’utiliser des lampes artificielles sur terre (longue histoire), c’est aux premières lueurs du jour que nous commençons à marcher. A 7h00, finalement équipé je commence ma descente à l’échelle rouillée…Nous voulons savoir, l’impatience se fait sentir.
Une fois à l’eau, la raison de l’abandon de ce point de captage devient évidente: L’eau est saturée en H2S, produit de la décomposition de grandes quantités de matière organique provenant des marécages tout proches. L’eau sent le soufre…pas surprenant que les villageois n’aient pas aimé se doucher avec cette eau. Le H2S est ici aussi concentré que dans Pandora (qui n’est finalement pas si loin que ça à vol d’oiseau). Il y a bien une cavité qui s’ouvre, mais les 30 premières minutes se passent dans un brouillard de H2S, à essayer de trouver la suite à tâtons, de préférence dans de l’eau plus claire, et un peu plus profond.
Vince s’équipe dans l’entrée accompagné de chauve-souris.
Lorsque finalement notre souhait se réalise, je passe rapidement de 5 à 18m de profondeur dans un talus de sédiment organique épais. Le H2S disparaît en passant sous l’halocline, la cavité s’élargit alors, dans un passage d’eau claire et salée baignant d’imposantes formations allant du gris foncé au doré. Sous la fine couche de dépôt bactérien, une observation plus minutieuse laisse entrevoir des stalagmites cristallines, que la lumière de nos lampes n’a pas de mal à traverser. Le courant est faible, et c’est au fil d’un profil yoyo oscillant entre 0 et 22m que que nous terminons notre premier dévidoir gavé de 500m de ligne. Un deuxième dévidoir en main, Nat essaie sans succès de contourner une zone d’effondrement…LA visibilité s’est bien dégradée, les pressions de retours atteintes, la matinée est bien avancée et il est temps de faire le relever de topo sur la sortie.
DEUXIÈME JOUR D’EXPLORATION.
Dernière journée de plongée de ce voyage de reconnaissance, le réveil nous ouvre les yeux un peu trop tôt, comme la veille. A 7h00 nous voilà prêts à descendre. Cette fois ci nous avons emporté des relais, et un 6l d’O2 pour la décompression.
La faible visibilité rend la recherche de passages latéraux difficiles…La majeure partie du temps, nous ne trouvons que des passages terminant en cul de sac, ou bouclant sur notre ligne de la veille. Chaque expiration décolle du plafond d’énormes quantités de bactéries, comme dans Pandora, ce qui ne me laisse qu’une respiration pour choisir vers ou continuer. Cette course contre la perte de visibilité est un peu stressante, mais voir ces familles de bactéries se mouvoir en apesanteur est finalement intéressant, une nouvelle expérience. Malgré la présence proche de Pandora et de ses « stalactites de bactéries » la structure des colonies bactériennes de Melmak n’a rien à voir…Quels sont les facteurs affectant la structure de ces colonies ? le courant ? la salinité ? l’acidité de l’eau? Autant de nouvelles questions pour la science, et une autre bonne raison de préparer la prochaine expédition.
Les bulles décollent du plafond des colonies de bactéries.
Topo basique de Melmak.
Le relevé topographique de Melmak à gauche montre le résultat glorieux de notre première journée, en vert foncé. Les autres lignes colorées montrent les différents culs de sac et boucles du deuxième jour. L’entrée est située à l’extrémité sud ouest. Le passage le plus prometteur est en vert clair, orienté est/sud est. La ligne s’arrête à présent au milieu de ce passages d’eau salée claire et bleue, mais le passage continue…obsédant de mystères, de questions et de réponses. Malheureusement, l’heure fatidique à respecter s’approchant, nous avons dû couper court à cette plongée, sans faire de doutes que nous reviendrons.